La belle histoire de thanksgiving...
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Tout commence avec l’arrivée des pèlerins du Mayflower le 11 décembre 1620 à Plymouth (Nouvelle-Angleterre). Au total, 102 personnes, hommes, femmes, enfants. C’est un hiver terrible. Il prendra la vie de 46 personnes. Les autres seront sauvés par des Indiens qui leur apporteront des épis de maïs et des dindes. Était-ce vraiment des dindes ? Pas sûr. Le mot turkey peut désigner toute sorte de volailles sauvages. Alors disons que c’était du gibier, de la sauvagine. Sauvés et rassasiés, les survivants rendirent « grâces à Dieu ». D’où thanksgiving. L’année suivante, le thanksgiving sera plus joyeux et plus...copieux : du maïs, de la
viande de cerf, du dindon sauvage, et des pumpkin pies (des tartes à la citrouille : en fait une sorte de chausson). On y ajoutera du poisson, des baies, du cresson, du homard, des palourdes, des prunes, des fruits séchés.
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En 1622, les récoltes sont maigres et le thanksgiving est pauvre . En 1623, c’est encore pire : la sécheresse a frappé. Alors les pèlerins se réunissent et prient. Prières exaucées :la pluie tombe à grosse gouttes et permet de sauver ce qui peut l’être. Le gouverneur de la petite colonie décidera de faire une grande fête et d’y inviter les Indiens.
Mais les temps restent durs et il n’y aura plus de fêtes avant 1676.Au grand dam de la communauté.. Aussi, le 20 juin de cette année 1676, le Conseil de Charlestown va-t-il se réunir pour décider de fêter thanksgiving à date fixe. La date du 29 juin sera retenue. Mais, en 1773, les 13 colonies choisissent de célébrer le Thanksgiving Day en octobre pour fêter la victoire des Américains sur les Anglais à Sarratoga.
Il faudra attendre 1789 pour que Washington décrète que thanksgiving sera désormais« journée nationale ». Sans grand succès. Et
c ‘est bien des années plus tard qu’une journaliste, Josepha Hale, va se mobiliser pour raviver une tradition un peu ternie. Il lui faudra plus de 40 ans pour y parvenir ! En 1863, en pleine guerre de Sécession, Lincoln proclame le dernier jeudi du mois de novembre « journée nationale de thanksgiving ». Plus tard, Franklin Roosevelt fixe une nouvelle date, en décembre. Une initiative malheureuse qui provoque une levée de boucliers...et le retour à la date retenue par Lincoln. En 1941, le Thanksgiving Day est proclamé Legal Holliday (« congé légal ») par le Congrès. La date définitivement fixée est donc le quatrième jeudi de novembre.
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...et du Mayflower
Ce vaisseau n'avait jamais transporté de passagers. C'était un vieux navire marchand plutôt fatigué d'avoir, pendant tant d'années, livré des chapeaux et du chanvre en Norvège, embarqué du taffetas et du satin dans les ports allemands, rapporté de France des vins et du cognac.
Avec ses hautes superstructures qui dominaient les quais de la Tamise, il ne se distinguait guère, en ce jour de juin 1620, des centaines d'autres trois-mâts carrés qui encombraient le port de Londres.
Deux hommes traversèrent la foule qui se pressait sur le quai et l'un d'eux héla un matelot paisiblement occupé à ravauder des voiles sur le pont ensoleillé. « Holà ! Êtes-vous bien le Mayflower de Londres ?
– Oui.
– Capitaine Christopher Jones ?
– Tout juste. »
Le capitaine Jones invita les deux inconnus à son bord et, lorsqu'il les eut introduits dans sa confortable cabine, ils déclinèrent leurs noms. Roert Cushman, un homme calme et timide,au regard circonspect, se présenta comme un cardeur de laine. Son compagnon était un solide et jovial Londonien du nom de Thomas Weston ; ce fut surtout lui qui parla. Weston expliqua au capitaine Jones qu'il venait de fonder, avec quelques amis de Londres, une compagnie pour le financement d'une nouvelle «plantation » en Amérique. Cushman
représentait les colons : un groupe d'Anglais exilés en Hollande pour des raisons religieuses.
La compagnie avait obtenu une concession royale sur un territoire de la côte américaine. Il ne manquait plus qu'un vaisseau pour effectuer le transport des colons. Les deux hommes venaient pressentir le capitaine Jones.
Christopher Jones était un homme respectable et rangé. Il avait cinquante ans, une femme et deux enfants. Propriétaire pour un quart du Mayflower, on pouvait s'attendre qu'il pesât la question plutôt deux fois qu'une avant de s'engager dans un voyage incertain à travers l'immensité traîtresse de l'Atlantique.
Depuis des années, pourtant, le capitaine Jones entendait parler de l'Amérique et lisait les récits de ceux qui en revenaient.
Dans sa jeunesse, il avait chassé la baleine au large du Groenland. Pourquoi ne pas goûter une dernière fois à l'aventure avant que l'âge y mette obstacle ? Dans la grande cabine, on procéda bientôt à un marchandage serré.
Le contrat définitif fut signé quelques jours plustard. Cushman annonça au capitaine que les exilés – 27 adultes et 19 enfants – quitteraient la Hollande sur un autre navire, le Speedwell, qui ferait la traversée avec le Mayflower et demeurerait en Amérique. Les deux bâtiments devaient se retrouver pour le grand départ un bon mois plus tard, c'est-à-dire vers la mi-juillet,à Southampton.
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Lorsque le Speedwell se fut amarré dans le port de Southampton à côté du Mayflower à la coque brun et or, il y eut des embrassades heureuses et émues entre les exilés et ceux de leurs chefs qui avaient passé des années bien difficiles en Angleterre.
Il y avait déjà plus de 8o passagers à bord du Mayflower. Ces « étrangers », comme les émigrés les baptisèrent aussitôt, avaient été recrutés par Thomas Weston et par ses associés de Londres pour que le contingent de la colonie fût atteint.
Le 5 août, le Mayflower et le Speedwell sortirent du port de Southampton, leurs cales pleines de grands barils d'eau douce et de bière, de biscuits et de morue, de sacs de bœuf fumé et de bocaux d'œufs en conserve.
Sur ces entrefaites, un coup du sort faillit être fatal à l'expédition. A peine les deux navires avaient-ils gagné le large qu'une voie d'eau se déc lara à bord du Speedwell. On revint à Darmouth pour faire calfater la coque et l'on repartit. A 300
milles des côtes, le pavillon de détresse monta pour la seconde fois au mât du Speedwell. Cette fois, on mit le cap sur Plymouth, où des charpentiers experts décrétèrent que le navire était hors d'état de naviguer et qu'il fallait l'abandonner.
Les exilés tinrent conseil avec le capitaine Jones. Celui-ci leur affirma que le Mayflower était capable de faire seul la traversée.
Après des heures de prière et de méditation, ils prirent donc la décision courageuse d'aller de l'avant. Les provisions du Speedwell
furent transbordées sur le Mayflower, tandis que le capitaine Jones calculait le nombre de passagers supplémentaires qu'il pouvait embarquer. Il fallut laisser à terre 20 « étrangers », mais on n'eut pasde peine à trouver des volontaires, le mal de mer et la crainte d'un naufrage ayant déjà fait leurs ravages. Finalement, le 6 septembre, 102 passagers pleins d'espérance prirent de nouveau la
mer. Un « petit coup de vent » entraîna le Mayflower, en le secouant durement, au cœur de l'Atlantique Nord. Pour le capitaine Jones, ce vent était un don du ciel, mais la plupart des passagers furent bientôt en proie au mal de mer, pour le plus grand dégoût de l'équipage qui ne leur cachait pas son hostilité. Enfin, les Pèlerins, ayant vaincu le mal de mer, s'installèrent dans la monotone routine de la vie du bord. Auprès des paquebots grands comme des gratte-ciel qui font aujourd'hui le service de l'Atlantique, le Mayflower,
avec ses 35 mètres, ferait figure de gros canot de sauvetage. Il pouvait cependant transporter, en plus du capitaine Jones, de ses 30 marins et de ses 102 passagers, 4 maîtres, 3 officiers, 1 charpentier, 1 médecin, 1 cuisinier et des servants pour ses 10 canons.
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Les émigrants souffraient sans doute moins de l'entassement et de la promiscuité, si désa-gréables fussent-ils, et de la nourriture exécrable, qu'on retrouvait d'ailleurs sur tous les navires de l'époque, que de l'organisation de la future colonie. Conscients de leur infériorité numérique, ils savaient qu'il leur faudrait se faire des alliés parmi les « étrangers » s'ils voulaient conserver la direction du groupe et établir le type de communauté dont ils rêvaient.
Deux hommes leur firent immédiatement une forte impression. L'un d'eux était un tonnelier de vingt et un ans, blond et trapu, nommé John Alden. L'autre « étranger » était Miles Standish, un petit homme roux qui avait été capitaine dans les armées de la reine Élisabeth et qu'on avait engagé pour organiser la défense de la colonie. Dès que les passagers eurent surmonté les premières atteintes du mal de mer, Standish groupa les hommes en escouades pour leur apprendre le maniement des épées et des mousquets à mèche, achetés pour l'expédition. Bien qu'il ne mesurât guère plus de 1,50 m, Standish était un chef-né qui n'eut aucune peine à maintenir la discipline parmi ses hommes.
Les manœuvres en plein air ne purent, toutefois, se prolonger longtemps. Depuis plusieurs jours, le capitaine Jones scrutait le nord-ouest pour y déceler l'annonce du mauvais temps que devait apporter le norois d'automne lorsqu'il descendrait du Groenland. Et, finalement, le noroît arriva, souffle glacial de l'Arctique, qui arrachait les crêtes des longues vagues blanches.
« Tous à la manœuvre ! » hurla le maître d'équipage. Sous les rafales de pluie, les matelots s'élancèrent dans la mâture oscillante pour prendre des ris à 18 mètres au-dessus de l'océan déchaîné. Tout à coup, un frisson terrible parcourut le navire. Le Mayflower
s'était enfoncé jusqu'aux écubiers, et l'eau ruisselait sur le pass avant après avoir inondé le gaillard.
On ferma les panneaux d'écoutille et l'on verrouilla les sabords, tandis que des vagues gigantesques, dont certaines atteignaient 15 mètres, déferlaient sur le pont. C'était tout ce que le capitaine pouvait faire. Il ne lui restait plus maintenant qu'à laisser le navire courir vent arrière, toutes voiles carguées, dût-il être entraîné à des centaines de milles de sa route.
Et les vagues continuaient de s'abattre contre la coque comme autant de coups de poing gigantesques portés par l'infatigable Atlantique. Dans les entreponts, les passagers, terrifiés, se serraient les uns contre les autres et priaient. A chaque vague, une eau glacée les inondait, les assauts furieux de l'océan ayant disjoint des coutures dans les superstructures du navire.
Dans la demi-obscurité et l'atmosphère viciée où ils étaient confinés, quelqu'un proposa de chanter un psaume, que tous entonnèrent aussitôt. Puis une autre vague monstrueuse s'abattit sur la coque, et l'on entendit un craquement sinistre : l'un des maîtres baux s'était fendu et courbé.
Ce fut un désordre indescriptible. Le capitaine et les officiers se précipitèrent dans la batterie tomba malade. C'était le premier cas de scorbut et il fut mortel. Le corps de Butten fut cousu dans une toile, et on le fit glisser par-dessus bord.
Dans l'entrepont, les symptômes inquiétants se multipliaient. Des hommes et des femmes voyaient leurs jambes enfler et se mettaient à frissonner de fièvre. Par bonheur, la mer finit par se calmer et l'on put ouvrir les écoutilles. Sur le conseil du capitaine, tous les passagers, même les malades, grimpèrent sur le pont pour y prendre un peu d'exercice.
Chacun vivait maintenant dans une attente anxieuse,car, selon le capitaine Jones, la terre pouvait se montrer à tout moment. Dans le nid-de-pie, une vigie face à l'ouest scrutait inlassablement l'horizon, mais rien n'apparaissait sur le miroir vide des flots. Un autre jour
s'écoula. Le voyage finirait-il jamais ?
Le 9 novembre au matin, tandis que l'équipage vaquait à ses occupations habituelles, le capitaine Jones regarda le soleil se lever sur les
flots étincelants. Au-dessus de lui, les voiles ondulaient doucement dans une brise légère. Le lieutenant John Clark fit remarquer que la mer avait changé de couleur ; elle était passée du bleu indigo au vert émeraude. Cela signifiait que la terre était proche, et le capitaine ordonna qu'on prît le fond. Quelques instants plus tard, lorsque le bruissement de la sonde qui filait dans l'eau eut cessé, un cri s'éleva : « Fond à quatre-vingts brasses, capitaine ! »
Le continent américain était là, à 145 mètres sous la quille, s'avançant à la rencontre des navigateurs. Les voiles du Mayflower brillaient maintenant dans le soleil comme si elles avaient été tissées d'or, et la brise se leva pour les gonfler. Du nid-de-pie tomba le cri que les passagers et l'équipage avaient entendu en rêve pendant des semaines : « Terre ! Terre ! »
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Il y eut des clameurs de joie, des larmes de soulagement. Beaucoup tombèrent à genoux pour rendre grâces au ciel.
Mais l'enthousiasme fut de courte durée. Après avoir consulté ses cartes, le capitaine Jones déclara que la terre sablonneuse devant laquelle on se trouvait faisait partie du long promontoire appelé cap Cod. Ce fut une amère déception. Ce n'était pas au cap Cod que le roi avait autorisé l'établissement de la colonie, mais à l'embouchure du fleuve Hudson, sur les territoires relevant de la compagnie de Virginie.
Rongeant leur frein, les passagers se résignèrent à passer un jour ou deux de plus à bord du Mayflower, qui mit le cap sur l'embouchure de l'Hudson.
Après quelques heures de navigation en direction du sud, on dut pourtant revenir sur cette décision. L'écume qui se formait au loin marquait la présence de brisants : le vaisseau se trouvait sur des hauts-fonds. Il fallut des heures de manœuvres serrées et toute l'expérience du capitaine Jones pour l'empêcher de talonner.
Lorsqu'on eut retrouvé la sécurité du large, on tint une nouvelle conférence. Si ces eaux inexplorées contenaient beaucoup de hauts-fonds comme celui-là, on risquait de mettre des semaines pour atteindre l'Hudson. Peut-être serait-il plus sage de s'établir ici, sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre, et de ne pas gaspiller davantage les précieuses journées qui restaient avant l'hiver.
Les dirigeants des deux groupes discutèrent jusqu'à une heure avancée de la nuit et se mirent finalement d'accord pour prendre le risque de demeurer en Nouvelle-Angleterre. Ils rédigèrent alors une courte « convention », et tous les hommes la signèrent.
Il ne restait plus qu'une chose à faire, élire un gouverneur. A l'unanimité, John Carver fut choisi pour présider au destin de la colonie pendant un an. Soulagés et pleins d'un nouvel espoir, les dirigeants rejoignirent sur le pont les autres passagers pour contempler les rivages du Nouveau Monde.
« Le paysage semblait avoir été fouetté par la tempête, et le pays tout entier, couvert de bois et de fourrés, se présentait sous des couleurs sombres et redoutables. »
C'est en ces termes peu engageants que William Bradford décrit la terre que les voyageurs étaient si impatients d'explorer. Les réserves de bois de chauffage du Mayflower étant épuisées, quelques hommes s'embarquèrent dans le canot du navire pour gagner le rivage.
Ils avaient atterri à l'endroit où se trouve aujour d'hui la ville de Provincetown, à la pointe extrême du cap Cod. Ils s'enfoncèrent aussitôt dans la forêt, où ils coupèrent une grande quantité de genévriers. Lorsqu'ils eurent regagné le bord avec leurs fagots, les ponts inférieurs du Mayflower s'emplirent du parfum de ce bois odorant, et les passagers purent prendre leur premier repas chaud depuis des semaines.
L'expédition n'ayant pas découvert d'eau douce dans les bois, on ne pouvait songer à établir la colonie à cet endroit même, et les hommes étaient impatients de poursuivre leurs recherches.
Les plus audacieux proposèrent d'explorer la région à pied. Après quelques hésitations, le gouverneur Carver autorisa 16 d'entre eux à partir, à condition que leur expédition ne durât pas plus de deux jours.
Équipés de casques, d'épées, de mousquets et de cuirasses, les hommes furent débarqués dans le canot. Miles Standish à leur tête, ils se mirent en file indienne et s'avancèrent le long de la plage. Ils n'avaient pas fait 2 kilomètres qu'ils s'arrêtèrent net : au loin, 5
ou 6 hommes apparaissaient, marchant vers eux.Des Indiens !
Miles Standish lança ses explorateurs en avant. Les hommes rouges pourraient leur donner d'utiles informations sur le pays et les endroits où l'on trouverait de l'eau douce et des mouillages. Mais les Indiens s'enfoncèrent brusquement dans la forêt. Les hommes de
Standish retrouvèrent leurs traces et les suivirent pendant des kilomètres, jusqu'à ce que la nuit les contraignit à dresser le camp.
La petite troupe avait atteint une vallée couverte de hautes herbes, à l'endroit où se trouve aujourd'hui le village de Truro. En suivant un étroit sentier, ils arrivèrent tout à coup devant ce que Bradford appelle « des sortes de tas de sable ».
L'un d'eux était surmonté d'une arche en bois. Sondant les monticules' avec leurs épées, les hommes exhumèrent un arc et plusieurs
flèches qui s'effritèrent dans leurs mains. Ils com prirent très vite qu'ils se trouvaient dans un cimetière et cessèrent de creuser.
Mais l'un d'eux remarqua, au sommet d'une colline proche, un autre monticule de sable. Ayant escaladé la pente abrupte, les explorateurs découvrirent que celui-ci était tout récent, des empreintes de main étant encore visibles aux endroits où le sable avait été tassé. Sur l'ordre de Standish, ils se mirent à creuser et firent bientôt apparaître un panier rempli de maïs. Très excités, ils creusèrent encore et mirent au jour un énorme panier plein « de très beaux grains de maïs, certains jaunes, d'autres rouges, d'autres
encore tachetés de bleu ». Cette découverte était d'une importance vitale. Les voyageurs avaient apporté avec eux des graines de blé et d'orge, mais ils savaient, par les rapports de colons de Virginie, que la céréale qui poussait le mieux dans le Nouveau Monde
était le maïs. Si leurs autres semences venaient mal, ces grains de maïs pouvaient leur sauver la vie.
Mais devaient-ils s'en emparer ? Ils ne voulaient pas inaugurer leur vie dans le Nouveau Monde par un vol commis au préjudice des indigènes.
Après un long débat, ils décidèrent d'emporter autant de maïs qu'ils le pourraient, tout en se promettant d'expliquer ce geste aux
Indiens dès qu'ils les rencontreraient et de leur «accorder compensation ».
Lorsque les explorateurs regagnèrent le Mayflower, ils firent leur rapport aux autres passagers. Ces derniers furent stupéfaits de voir ce que l'on avait découvert sur la colline, appelée encore aujourd'hui Corn Hill, « colline du Maïs ». Les cultivateurs du groupe
s'émerveillèrent de la taille des grains, qui indiquait un sol fertile et laissait augurer de bonnes récoltes.
Beaucoup de passagers insistaient :pour qu'on s'installât sur place. D'autres, entraînés par Bradford, étaient d'un avis opposé. L'eau douce découverte autour de Corn Hill se présentait sous forme d'étangs et pouvait très bien être tarie en été. De plus, la décision de s'installer était irrévocable. Il faudrait construire un fort et des maisons, toutes choses qu'on ne pourrait pas
déplacer plus tard. Ce serait donc folie de s'établir sur un emplacement médiocre, alors qu'un site idéal existait peut-être à quelques kilomètres de là.
Le 6 décembre, les explorateurs s'embarquèrent en chaloupe pour leur dernière expédition. Un vent violent balayait la mer, recouvrant d'embruns glacés les passagers de l'embarcation.
« L'eau gelait sur nos vêtements et les transformait en cuirasses », écrit Bradford. Après avoir couvert une vingtaine de milles, ils se
dirigèrent vers la plage la plus proche pour y passer la nuit ; au moment de l'atteindre, ils aperçurent un nouveau groupe d'Indiens, qui
disparut aussitôt dans les bois. Cette nuit-là, cependant, tandis qu'ils se serraient autour de leur feu, les hommes purent contempler une autre lueur sur la plage, à plusieurs kilomètres de là. C'était le campement des Indiens. Entre les deux feux qui brûlèrent jusqu'à l'aube, l'obscurité formait comme un gouffre infranchissable.
Les hommes blancs perdirent une nouvelle journée à poursuivre en vain leurs compagnons invisibles. Le soir, ils dressèrent le camp une fois de plus, édifièrent une petite barricade et placèrent des sentinelles. Pendant la nuit, leur sommeil fut troublé par les hurlements des loups. Puis, juste avant l'aube, un cri perçant déchira l'air.
« Les Indiens ! Les Indiens ! » hurlait une sentinelle.
Au même instant, une volée de flèches jaillit de l'ombre et s'abattit sur la barricade.Plusieurs hommes avaient laissé leurs mousquets dans la chaloupe; ils traversèrent la plage en courant pour aller les chercher. Lorsque les Indiens tentèrent de leur couper la route,
quelques-uns d'entre eux firent front avec leurs épées. Le combat ne dura guère ; ceux qui atteignirent la chaloupe firent aussitôt feu avec leurs mousquets, et les Indiens s'enfuirent dans les bois.
Dans le camp, cependant, Miles Standish, le gouverneur Carver, Bradford et les autres subissaient un assaut en règle. La barricade ne couvrant que trois côtés, les Indiens envoyaient une pluie de flèches par l'ouverture. Sagement, Standish ordonna à ses hommes de ne pas tirer tant qu'il ne faisait pas suffisamment clair pour que chaque balle pût compter. Les assiégés attendirent donc en écoutant les hurlements sauvages qui leur glaçaient le sang. Quand l'aube se leva, ils commencèrent à distinguer les Indiens qui couraient en tous sens dans la forêt. Dès qu'ils ouvrirent le feu, l'attaque perdit de son mordant. Standish avait pensé avec raison que les sauvages seraient terrifiés par les mousquets, et il ne resta bientôt plus qu'un seulIndien – de toute évidence le chef – assez près d'eux pour que ses flèches fussent dangereuses.
« Gaillard robuste, courageux, écrit Bradford, il s
'était embusqué derrière un arbre et nous
décochait flèche sur flèche. »
Finalement, l'un des défenseurs visa soigneusement le guerrier « et fit voler à ses oreilles des
éclats d'écorce et de bois ». Le sauvage poussa un grand cri et détala. Les autres Indiens s'évanouirent avec lui comme fumée dans l'air, et les explorateurs, ébranlés mais saufs, se retrouvèrent seuls en bordure de la forêt silencieuse.
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Par miracle, aucun d'eux n'avait été touché. Après avoir rendu grâces à Dieu et baptisé le lieu « plage de la Première Rencontre » – nom qui la désigne encore aujourd'hui – ils mirent de nouveau le cap sur le port dés Voleurs.
Des rafales de pluie et de neige fouettaient la meret, vers le milieu de l'après-midi, la tempête se déchaîna. Sous les coups de boutoir des vagues, le gouvernail de la chaloupe se brisa, obligeant l'équipage à gouverner à l'aviron. Peu après, un coup de vent particulièrement violent déchira la voile, et le mât s'abattit dans l'eau avec un affreux et lugubre craquement.
Le soir tombait déjà. Les hommes se mirent à ramer furieusement pour atteindre un mouillage qu'ils n'entrevoyaient qu'à peine. Finalement, se dirigeant au jugé, dans une obscurité complète, ils parvinrent en des eaux plus calmes et se mirent à la recherche d'un abri quelconque près du rivage. Ils n'avaient aucune idée de l'endroit où ils se trouvaient.
« Il gelait dur », écrit Bradford dans le récit qu'il a laissé de cette nuit-là. Abandonnant la chaloupe enrobée de glace, les explorateurs se serrèrent autour d'un feu allumé sur la plage. Ils étaient au bord du désespoir. Ils avaient débarqué au Nouveau Monde depuis près de un mois, et tout – l'avarie de la chaloupe, le mauvais temps, l'hostilité des indigènes – semblait
annoncer un désastre. Au matin, cependant, ils reprirent espoir. Les nuages s'étaient dissipés et, dans la lumière blanche d'un soleil d'hiver, ils découvrirent qu'ils étaient sur une île, juste en face du port des Voleurs. Devant eux s'étendait une large baie entourée de collines enneigées. C'était Plymouth. Ce nom figurait déjà sur une carte dressée six ans plus tôt par le capitaine John Smith, de Jamestown (Virginie). Ils fabriquèrent un nouveau mât et, le 11 décembre, après avoir traversé les eaux calmes de la rade, il
s gagnèrent le rivage couvert de neige, où ils débarquèrent. Ils se mirent en ligne, les mousquets chargés, et s'avancèrent vers l'intérieur. Tout de suite, le paysage leur plut. Ils aperçurent, raconte Bradford, « de nombreux champs de maïs et des
petits ruisseaux ». Les champs, comme ceux qu'ils avaient déjà vus, étaient abandonnés, et ils décidèrent rapidement que l'endroit convenait assez bien à l'établissement d'une colonie.
Ayant retrouvé des raisons d'espérer, ils rembarquèrent dans la chaloupe pour aller porter la bonne nouvelle au Mayflower : ils avaient découvert la terre promise. Quelques jours plus tard, le Mayflower ayant jeté l'ancre dans la baie de Plymouth, les
passagers purent explorer attentivement la région. Le sol leur parut excellent. Les arbres n'y manquaient pas, ce qui était indispensable pour les travaux de charpente. Et, comble de bonheur, il y avait près du rivage une haute colline d'où le regard portait loin vers le large. Miles Standish recommanda qu'on y construisit un fort qui commanderait à la fois la baie et le pays environnant.
Le 23 décembre, le travail commença. Tous les hommes valides descendirent à terre pour abattre des pins et les débiter en planches, afin de construire la première habitation, une grande « maison commune ». Vers la fin de la semaine, les hommes délimitèrent le tracé de la première grand-rue de la Nouvelle-Angleterre. Elle devait grimper le long de la colline, avec une rangée de maisons de
chaque côté, et se terminer, au sommet, devant le fort.
Les maisons étaient en planches (les maisons en rondins ne devaient apparaître dans le Nouveau Monde que dix-huit ans plus tard). Elles se composaient d'une seule pièce avec âtre et d'un grenier qui servait de chambre et auquel on accédait par une échelle. Ces petites demeures n'étaient pas faciles à construire. Elles exigeaient de solides fondations de pierre et le chaume des toits devait être laborieusement récolté au bord des cours d'eau et sur les vastes prairies. Il n'y avait pas de vitres aux fenêtres ; du papier huilé en tenait lieu, et les jointures des planches étaient colmatées avec de l'argile.
Le travail progressa rapidement. Au bout de quelque s semaines, il y avait déjà sur ce rivage désolé bien plus que de simples traces de civilisation. La grande maison commune était terminée et plusieurs maisons familiales l'étaient à moitié, lorsque, vers la fin de janvier, les travaux se ralentirent, pour enfin s'arrêter complètement. Dans la maison commune, à bord du Mayflower et dans une petite maison transformée en hôpital de fortune, des hommes et des femmes gisaient, toussant et suffoquant.
La « grande maladie » s'était déclarée. Durant l'hiver, elle réduisit de moitié l'effectif de la petite colonie. Les signes de la présence des Indiens dans les environs s'étaient multipliés de façon inquiétante. On avait aperçu « de hautes colonnes de fumée » sur les collines, et les nouveaux venus avaient plusieurs fois rencontré des sauvages dans les bois. Comprenant qu'une attaque
serait dramatique dans la situation où se trouvait la colonie, Miles Standish fit activer la construction du fort. Les quelques hommes encore en état de travailler bâtirent une solide plate-forme sur laquelle ils aménagèrent des emplacements pour les canons. Le 21 février, un groupe de marins aida les colons à hisser deux gros ses pièces jusqu'au haut de la colline. Ces armes redoutables furent mises en batterie sur la plate-forme, ainsi que deux bouches à feu plus légères.
L'installation terminée, le capitaine Standish se mit à arpenter son fort d'un air satisfait. De cette position dominante, ses canons pouvaient balayer la forêt et la rade. Malgré la « grande maladie », la colonie de Plymouth avait, cette fois, de bonnes chances de survivre, malgré toutes ses infortunes.
Le 16 mars, Miles Standish organisa une réunion dans la maison commune pour arrêter les mesures militaires indispensables à la sécurité de la colonie. La séance venait à peine de commencer qu'on vit sortir de la forêt. un Indien portant pour tout vêtement une frange de cuir autour des reins.
Les Blancs regardèrent avec stupeur ce sauvage de belle stature remonter la grand-rue de leur village aussi nonchalamment qu'un promeneur du dimanche. Lorsqu'il arriva devant la porte de la maison commune, il y eut un moment de gêne. Puis l'Indien leva la main dans un geste amical.
« Welcome »,dit-il.
Les colons restèrent muets de surprise. Après ces quatre mois pendant lesquels ils n'avaient pu établir le moindre contact avec les
hommes rouges, voilà qu'il s'en présentait un, et qui venait leur souhaiter la bien venue en anglais ! Ils l'interrogèrent avidement. L'Indien déclara se nommer Samoset. C'était un chef de la tribu des Algonquins qui habitaient plus loin vers le nord (dans le Maine). Il avait appris l'anglais avec des pêcheurs blancs venus de temps à autre dans son pays. Samoset fournit aux colons un tableau précis de la population indienne des environs. La tribu la plus proche était celle des Wampanoags, dirigée par Massasoit, un chef avisé et habile qui étendait sa loi sur plusieurs tribus moins nombreuses. Au cap Cod, il y avait les Nausets ; c'étaient eux qui avaient attaqué les colons, et Samoset expliqua pourquoi. Des années plustôt, un pêcheur anglais, le capitaine Hunt, avait attiré 27 Indiens à son bord et appareillé aussitôt. La tribu avait appris par la suite qu'il avait vendu ses captifs comme esclaves en Espagne. Depuis, les Nausets haïssaient l'homme blanc.
La rencontre avec Samoset marqua le début d'une ère nouvelle pour la petite colonie. Les hommes de Plymouth purent enfin entrer en contact avec les Indiens et, le 22 mars, un spectacle impressionnant s'offrit à leurs yeux. Le grand chef Massasoit lui-même apparut
soudain au sommet d'une colline. Le visage teint au jus de mûre et huilé, il portait autour du cou une grosse chaîne d'ossements blancs, emblème de ses fonctions. Derrière lui se tenaient 60 guerriers au visage bariolé de noir, de jaune, de rouge ou de blanc. Certains s'étaient fait peindre sur la peau des croix, des carrés ou de bizarres figures géométriques.
Savaient-ils qu'ils étaient deux fois plus nombreux que les Blancs ? Les colons empoignèrent leurs mousquets et tinrent rapidement conseil. Le jeune Edward Winslow, qui s'affirmait comme l'un des nouveaux dirigeants du groupe de Leyde, se porta volontaire pour aller parlementer ; il boucla sa cuirasse, prit son épée, et s'avança bravement à la rencontre de Massasoit.
Lorsqu'il se trouva devant le chef, Winslow lui offrit deux couteaux, une chaîne en cuivre ornée d'une pierre précieuse, une cruche d'eau-de-vie, des biscuits et du beurre. Massasoit accepta ces présents en silence, avec une grande dignité. Winslow prit alors la parole pour lui apprendre que le gouverneur Carver souhaitait le recevoir à Plymouth pour négocier avec lui un traité de paix et de commerce.
Solennellement, Massasoit donna l'ordre à 20 de ses guerriers de déposer leurs arcs et de le suivre. Lorsque les Indiens atteignirent les limites de la petite cité, ils furent accueillis par une demi-douzaine de mousquetaires qui leur firent escorte d'honneur jusqu'à la maison inachevée, où on les invita à s'asseoir sur un tapis vert et des coussins. Puis le gouverneur Carver parut, précédé d'un tambour, d'un trompette et d'une garde d'honneur. Il baisa la main de Massasoit, qui lui rendit le compliment. On servit de l'eau-de-vie et de la viande fraîche. Après avoir mangé et bu, Massasoit alluma une pipe, en tira quelques bouffées et la passa aux Blancs. Puis la discussion s'engagea.
Sans aucune difficulté, on se mit d'accord sur un pacte d'assistance mutuelle qui reste un modèle du genre. Deux de ses clauses les plus importantes étaient les suivantes : « Quand leurs hommes viendraient à nous, ils devraient laisser derrière eux leurs arcs et leurs flèches ; de même, nous laisserions nos armes si nous allions à eux. « Si une guerre injuste leur était faite, nous irions à leur secours. Si l'on nous faisait la guerre,ils viendraient à notre secours. »
Le traité resta en vigueur et ses clauses furent respectées par les deux parties pendant plus de quarante ans. Il y avait maintenant suffisamment de maisons terminées pour pouvoir loger les quelques colons qui vivaient encore à bord. Le traité de paix avec Massasoit avait réduit le danger d'une attaque indienne. Les survivants de la « grande maladie » commençaient à reprendre des
forces. Enfin, le temps s'améliorait, et plusieurs familles avaient déjà semé des plantes potagères autour de leur maison.
Le capitaine Jones, pour sa part, était impatient d'appareiller. Il laissait déjà 10 de ses meilleurs marins dans le cimetière qui dominait la rade et ne pouvait se permettre d'attendre plus longtemps sous peine de manquer de vivres pendant le voyage du retour. Le capitaine et les colons se quittèrent en excellents termes. L'hiver terminé, la traversée allait être plus facile, et le Mayflower
atteindrait l'Angleterre en un mois seulement. Avant la fin de l'année, cependant, le capitaine Jones devait mourir, épuisé, pense-t-on, par les efforts accomplis et les épreuves subies. Avant deux ans, le Mayflower, vendu pour à peine plus que le prix de ses voiles et de ses accastillages, ne serait plus qu'une épave pourrissant dans un cimetière de bateaux.
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En attendant, le 5 avril 1621,
lorsque le vieux navire marchand quitta la rade de Plymouth, son départ ne signifiait qu'une chose pour ceux qui le
regardaient s'éloigner : leur dernier lien avec l'Angleterre, leur dernière planche de salut, disparaissait.
Peu de temps avant le départ du Mayflower, les colons avaient rencontré un autre Indien parlant anglais. Il s'appelait Squanto et devait rapidement devenir l'un des meilleurs et des plus fidèles amis des Pèlerins dans le Nouveau Monde.
Squanto avait eu une vie étonnante. Les colons n'avaient pas encore jeté leur dévolu sur le Mayflower que, déjà, il avait traversé quatre fois l'Atlantique. En 1605, il s'était rendu en Angleterre, sur un bateau de pêche anglais, pour en revenir sur le navire d'un grand explorateur, le capitaine John Smith.. Quelques années plus tard, il s'était trouvé dans le groupe des 27 Indiens enlevés par le capitaine Hunt.
Squanto avait été vendu comme esclave en Espagne, mais il avait eu la chance de tomber entre les mains de moines qui voulurent le convertir. Il avait finalement réussi à regagner l'Angleterre, d'où il s'était rembarqué pour son pays natal. En arrivant à Plymouth, il n'avait plus retrouvé que des cimetières, sa tribu tout entière ayant été anéantie par l'épidémie. Il était l'unique survivant des Patuxets.
Pour les colons, il devint bientôt évident que cet astucieux Indien avait été « spécialement envoyé par Dieu pour leur salut ». Au début d'avril, lorsqu'ils commencèrent à préparer les semailles de printemps, Squanto leur donna un avertissement précieux : s'ils ne fumaient pas la terre avec des poissons, leur dit-il, ils ne récolteraient presque pas de maïs.
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Ce fut la consternation. Les colons avaient en effet découvert, à force d'essais infructueux,que les hameçons qu'ils avaient apportés d'Angleterre étaient trop gros. Jusqu'ici, ils n'avaient pu prendre qu'une seule morue, Qu'allaient-ils faire ?
Calmement, Squanto leur annonça que, dans quelques jours, les ruisseaux des environs grouilleraient d'aloses. Quand les poissons apparurent, au moment dit, Squanto montra aux colons comment les pêcher et les enterrer : 3 poissons pour chaque monticule de 5
grains de maïs, les têtes des poissons étant placées tout près des graines. Enfin, il expliqua aux Blancs qu'ils devaient monter la garde dans les champs pendant quatorze jours, jusqu'à ce que les poissons eussent commencé de pourrir, pour empêcher les loups de les déterrer. On posta des gardes qui tinrent les loups en respect, selon les instructions de l'Indien providentiel, et le maïs se mit à pousser à vue d’œil.
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Durant ce mois-là s'organisa la vie que la petite colonie devait mener pendant les premières années. Les journées étaient occupées par les innombrables tâches inhérentes à l'existence des pionniers. Les cultures exigeaient des soins continuels. Les charpentiers et tous ceux qui savaient se servir d'un outil fabriquaient des meubles et terminaient l'aménagement des maisons. Lorsque les femmes n'étaient pas occupées à la cuisine ou à la lessive, elles raccommodaient le précieux stock de vêtements de la colonie, que l'on avait peu de chances de pouvoir renouveler avant des années.
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Chaque dimanche, à l'appel du tambour, tous les habitants de Plymouth se rassemblaient dans la rue, les hommes portant leur mousquet, et suivaient le gouverneur Carver jusqu'à la maison commune, pour le service religieux. Ils ne portaient pas encore les vêtements de drap noir que les puritains devaient introduire dans le Nouveau Monde. Les Pèlerins étaient tous des élisabéthains et ils aimaient les couleurs vives. William Brewster avait un costume violet, le gouverneur Carver, une belle cape rouge, un autre colon,
« des jarretières couleur de ciel » et « un bonnet brodé d'argent ».
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Pendant l'été, les relations des colons avec les Indiens ne cessèrent de s'améliorer. Massasoit accepta d'envoyer des émissaires aux Indiens du cap Cod, afin de leur expliquer pourquoi lesBlancs avaient pris leur maïs, et de leur offrir une compensation; un traité de coopération fut ainsi conclu avec les Nausets.
A mesure que les semaines passaient, les Pèlerins voyaient leur colonie s'enraciner de plus en plus fermement dans le Nouveau Monde. 4 maisons communes et 7 habitations particulières étaient complètement achevées. Depuis la fin de la « grande maladie », la menace d'un anéantissement général était écartée.
William Bradford, le fils d'un fermier anglais qui avait été élu gouverneur en remplacement de Carver, mort subitement en avril, se souvint des fêtes qui suivaient l'engrangement des récoltes dans son pays natal. Il se souvint aussi de la journée d'action de grâces que célébraient les habitants de Leyde le jour anniversaire de leur libération du joug espagnol. Pourquoi les colons de Plymouth ne créeraient-ils pas une fête analogue en « organisant des réjouissances communes à leur façon » ?
On se mit à préparer le premier jour d'action de grâces. Les 8 hectares de maïs plantés par les colons avaient fourni une excellente récolte, mais les plantations d'orge et de pois n'avaient rien donné. Ces résultats montraient à quel point les Pèlerins dépendaient de leurs alliés indiens ; sans leur récolte de maïs, en effet, ils eussent été exposés à un hiver de famine. Ce fut sans doute l'une des principales raisons qui les poussèrent. à inviter Massasoit à leur fête. Bradford envoya dans la forêt 4 chasseurs qui tuèrent en un seul jour assez de dindes sauvages pour nourrir la colonie tout entière pendant près d'une semaine. On alla pêcher sur les plages
de grandes quantités d'anguilles, de homards et de coquillages. Mais cette abondance prit figure de disette lorsque parut Massasoit, accompagné de 90 guerriers aux dents longues. 90 braves ! Les colons voyaient déjà leurs provisions de tout l'hiver englouties en un seul festin. Ils ignoraient qu'une fête de la moisson était une institution très familière à Massasoit et à ses hommes. Presque toutes les tribus de la côte est célébraient la maturation des récoltes par une grande « danse du maïs vert ». Considérant qu'il avait été invité à une nouvelle version de cette cérémonie, Massasoit avait prévu de contribuer, comme il était d'usage, à l'approvisionnement du festin. Il envoya dans les bois quelques valeureux guerriers qui revinrent bientôt lourdement chargés de 5 « beaux cerfs ».
Le menu ne se composait pas seulement de poisson et de viande. Les potagers familiaux avaient fourni une grande variété de légumes. Les baies et les fruits sauvages de l'été – groseilles, fraises, prunes, cerises – avaient été mis à sécher, selon les indications de Squanto ; on en fit cuire avec de la pâte, et cette recette allait donner naissance aux célèbres tartes de 1a Nouvelle-Angleterre.
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Les colons avaient aussi fabriqué du vin, blanc et rouge, avec des raisins sauvages. Il est probable que les Indiens étonnèrent les Pèlerins en faisant cuire du maïs dans des jarres de terre posées sur des braises jusqu'à ce que les grains laissassent échapper en éclatant une pulpe blanche et cotonneuse. Les hommes rouges connaissaient le pop-corn depuis des dizaines d'années. On fit presque toute la cuisine en plein air. Les quartiers de cerfs, les dindes, les oies et les perdrix furent rôtis à la broche. On fit griller les homards et les huîtres sur la braise ; la soupe aux palourdes et le ragoût de gibier mijotèrent longtemps dans des bassines de fonte au-dessus des feux de bois. Les colons et leurs invités ne s'arrêtaient de manger que pour organiser des jeux. Il y eut des exhibitions de tir au mousquet, de tir à l'arc, et les Indiens furent enchantés de voir certains jeunes colons, comme John Alden, se mesurer avec eux à la course ou à la lutte. Toujours soucieux d'impressionner les Indiens, Miles Standish organisa un défilé militaire
qu'il couronna en faisant tirer l'un des canons du fort. Les Indiens, que les détonations des mousquets avaient déjà stupéfiés, eurent le sentiment, en entendant le bruit du canon, que les Blancs avaient réussi à dérober la foudre divine elle-même. Massasoit avait été bien avisé, pensèrent-ils, de faire la paix avec ces gens-là. L'on mangea, l'on but et l'on s'amusa pendant trois jours pleins. La nuit, les Indiens dormaient dans les champs voisins. Le temps était loin où Standish, craignant une attaque, plaçait des sentinelles en bordure de la ville. Lorsque cette première fête d'action de grâces se termina, l'alliance officielle entre Massasoit et la communauté de Plymouth avait été cimentée par de véritables liens d'amitié. Les hommes rouges et les hommes blancs se séparèrent en se
promettant de célébrer la même fête l'année suivante, et beaucoup d'autres années encore.
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L'hiver approchant, les colons se préparèrent à affronter les mois difficiles qui les attendaient. On rajouta du chaume sur les toits, on colmata les crevasses des murs avec de l'argile, et les chasseurs constituèrent des provisions importantes de volailles sauvages et de gibier.
Ces préparatifs furent brutalement interrompus par l'apparition d'un Indien hors d'haleine qui arrivait du cap Cod pour annoncer qu'un bateau se dirigeait vers Plymouth. Un grand bateau à voiles. Un bateau. de Blancs !
La nouvelle inquiéta tout le monde. Aucun vaisseau n'était attendu d'Angleterre, et les colons craignaient qu'il ne s'agît d'un navire pirate ou de corsaires français ou espagnols. Bradford fit rapidement tirer le canon pour rappeler tous les hommes qui étaient à la chasse. Miles Standish plaça de petits détachements en différents points du rivage pour repousser toute tentative de débarquement. Au bout de plusieurs heures, le mystérieux vaisseau apparut à l'entrée de la rade. Un pavillon fut hissé au sommet du grand mât, et les Pèlerins, non sans angoisse, s'efforcèrent d'en distinguer les couleurs. Dieu soit béni! C'était l'Union Jack !
En tout, 35 passagers débarquèrent du bon voilier Fortune. La plupart étaient des hommes solides. Mieux encore : ils apportaient de nouvelles lettres patentes. En réponse à la demande que les Pèlerins avaient fait parvenir à Londres par le Mayflower, le territoire de Plymouth leur était concédé et leur convention reconnue. Ils étaient autorisés à établir des lois et des ordonnances pour se gouverner eux-mêmes selon la règle et la volonté manifeste de la majorité.
William Bradford comprit sans doute, en regardant les visages résolus des nouveaux arrivants, que le pire était passé pour lui-même et ses compagnons. Quelles que dussent être les difficultés à venir, la colonie de Plymouth survivrait et prospérerait.
D'autres hommes allaient suivre, avec des croyances différentes, qui fonderaient des colonies plus puissantes sur ce grand continent. Mais c'est à Plymouth seulement que devait se manifester aussi nettement ce mélange unique de courage et de foi qui est l'essence même de l'aventure américaine. C'est pourquoi l'histoire de cette colonie devait symboliser à jamaisl'idéal et les principes de toute une nation.
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Alain Sanders (Sources : One Small Candle, Thomas J. Fleming)